Où l’on
découvre un cas particulier de « trace du futur », que nous pouvons
accueillir par le biais d’un « lâcher prise » susceptible de nous
faire accomplir des prouesses extraordinaires en « laissant agir »
le courant. |
« Fais
rouler ta boule Irène, ne cherche surtout pas à bien jouer. Ta boule sait
où elle doit aller, elle n’a pas besoin de toi ! » « Qu’est-ce
qu’il nous raconte le Philippe ! Vise un peu, il essaye d’envoûter sa
partenaire !» Irène
n’avait jamais joué à la pétanque. Nous avions constitué deux équipes de deux
en tirant au sort, et deux experts jouaient contre Irène et moi. Sa boule
stationna à dix centimètres du cochonnet ! « Ouah !
Bien joué Irène ! Heureusement que tu n’as pas écouté Philippe,
hein ! » « Oh
mais si, j’ai fait comme il m’a dit, mais c’est un coup de chance ! » Et
Jo de faire aussitôt un carreau sur la boule d’Irène ! Tout était à
refaire ! J’encourageai à nouveau ma partenaire : « Vas-y,
joue ta deuxième boule juste contre celle de Jo. Mais surtout n’oublie pas,
c’est ta boule qui joue, ce n’est pas toi ! » Et
Irène de lancer sa boule malencontreusement, trop à gauche et un peu trop fort.
Mais par une chance inouïe, une déformation du terrain la dévia pour la faire
revenir à droite, cogner la boule de Jo et emporter le cochonnet dans sa
course, vers l’endroit où se trouvait déjà sa première boule. Le cochonnet
s’arrêta alors à côté d’elle, à cinq centimètres, juste avant que sa seconde
boule ne se colle parfaitement dessus ! Deux
superbes points d’un seul coup, et impossible aux adversaires de récupérer le
point en tirant ! « Je
ne le crois pas ! C’est pas vrai ! Mais tu es une magicienne
Irène ! C’est pas possible un coup pareil ! » Eh bien
si, car en faisant rouler sa boule, Irène avait potentialisé une multitude de
trajets générés par tous les aléas indéterministes dus aux irrégularités du
terrain : le coup était rendu possible. A l'inverse
de tous ces courants contraires de la vie qui nous imposent efforts, difficultés
et confusions, nous avons parfois l’occasion de vivre d’autres situations
où « tout coule de source », des moments de grâce où nous accomplissons
comme Irène des prouesses, ou encore des moments où des opportunités se présentent,
sans que nous ayons eu d’efforts à faire. Dans
ces moments là nous remercions la « chance », ne croyant pas que nous
puissions en être responsables. Parmi
tous les courants de notre vie certaines informations pourraient-elles couler
directement de la source future qui nous intéresse ? Et si oui, quelle
serait notre responsabilité dans le fait que ces informations nous
parviennent à nous, et pas aux autres? Considérons
maintenant ces informations du second type que nous avons classées en
« traces du futur ». De nature non causales, elles sont déterminées
par notre futur au lieu de l’être par notre passé. La source de ces
informations se localise donc quelque part dans notre futur. Remarquons
tout d’abord que, si nous avançons vers notre futur sans faire de modification
à notre Arbre de Vie, alors notre cheminement le long de cet arbre sera
automatique car aucun changement ne sera inscrit dans notre potentiel de vie.
Nous suivrons le potentiel le plus probable, la ligne de plus grande pente. Ce
potentiel déjà existant ne subira aucune modification tant que nous n’aurons
pas modifié nos intentions réelles. Peut-on
espérer trouver des traces de notre futur lorsque ce dernier est déjà tracé ? Nous y
arrivons enfin. Nous ne
pouvons espérer trouver des traces de notre futur que si nous sommes
responsables d’un changement dans ce futur, provoqué par un changement
réel dans nos intentions ! Supposons
qu’en fouillant au plus profond de nous-mêmes, nous soyons capables de faire
émerger des intentions à la fois nouvelles et authentiques. Nous venons ainsi
de rajouter la condition de « nouveauté » à notre recherche de traces
du futur. Si nos
intentions sont réellement nouvelles, alors elles provoqueront instantanément
une modification de la répartition des probabilités dans notre Arbre de Vie, et
ces nouvelles probabilités vont immédiatement se traduire sous la forme d’une
redistribution des potentiels dans tous les chemins de la Loi de Convergence
des Parties. Mais il
est plus simple de considérer ici que nous aurons tout simplement créé dans
notre futur une nouvelle source d’informations. Nous
allons maintenant constater toute la puissance de cette image de la source. En
modifiant nos intentions authentiques, nous aurons en quelque sorte fait
« pleuvoir », quelque part dans notre futur, à un endroit où l’eau va
donc s’accumuler. Nous
pouvons maintenant revenir sur la Route du Temps et considérer les différentes
sources qui sont responsables de toute l’eau s’écoulant dans son réseau
fluvial. Nous
avons l’eau de la fonte des neiges, l’eau des sources permanentes des nappes
phréatiques, et enfin l’eau des sources transitoires. Nous
allons ici considérer les deux premières sources comme permanentes car leur
écoulement est incessant, même si leurs débits varient. Cet écoulement
permanent nous permet de les considérer comme sources « causales »,
la cause en étant cette neige et ces nappes phréatiques. Il n’y a plus de
hasard dans ce genre d’écoulements qui résultent en quelque sorte de
l’accumulation de toutes les intentions humaines ! Les
sources transitoires dues à la pluie et aux orages sont bien au contraire de
nature à la fois imprévisibles, indéterministes, localisées et transitoires. Le fait
qu’elles soient localisées et transitoires les rend aptes à représenter l’effet
d’une intention localisée et transitoire, en l’occurrence jusqu’à ce que cette
intention rencontre un moyen de réalisation. Et le
fait qu’elles soient imprévisibles et indéterministes, comme la météo en général,
les rend aptes à modéliser un processus non causal déterminé par le futur, dans
la mesure où il ne peut pas l’être par le présent. Revenons
enfin à notre recherche de traces du futur sur la Route du Temps. Nous
pouvons maintenant nous demander si, après avoir formulé une intention
authentique et inédite, le fait de surprendre un petit cours d’eau en formation
ne serait pas susceptible de nous fournir une réponse à cette intention, ou une
direction à notre cheminement. Ce
ruisseau se présenterait alors comme une invitation à suivre un nouveau cours
de notre existence, offert et provoqué par une modification de notre Arbre de
Vie. Mais
nous ne sommes pas réellement incités à suivre ce cours d’eau, car il pourrait
provenir d’une source transitoire indépendante de nos propres intentions. Il nous
manque évidemment des informations. Ces
informations ne pourraient-elles pas nous parvenir dans le cours même de cette
source imprévue, sous la forme d’indices qui nous démontreraient que nous
sommes bel et bien concernés par son invitation à remonter son cours, tel un
fil directeur qui « coule de source » ? Cette
source étant située en amont, c'est-à-dire en hauteur, il faut qu’elle soit
alimentée dans le futur assez longtemps avant que son eau ne nous rapporte ses
indices. Un certain temps est donc nécessaire avant que l’accumulation d’eau ne
soit suffisante pour produire les informations qui nous intéressent en
redescendant le temps. Les
personnes comprenant les effets de leurs intentions sur les sources et
souhaitant accélérer leurs opportunités en faisant les efforts nécessaires, ce
qui est une juste attitude, pourraient cependant décider de creuser eux-mêmes
une voie d’eau, plutôt que d’attendre qu’elle apparaisse toute seule. Cela
reviendrait à calculer leurs actions, en misant sur l’existence de cette source
qu’ils ont alimenté en amont et qu’ils attendent de voir déboucher, avec un peu
de chance. Mais creuser un tel canal pourrait les faire retomber dans un
contexte causal, comme s’ils remontaient finalement un courant en ramant.
Pourquoi dans ce cas ne pas creuser tout le canal ! Encore faudrait-il
avoir l’information sur la position du point d’eau, et compte tenu des
incertitudes de dénivelé du terrain, ce serait aussi délicat que d’anticiper
les déviations successives qu’il faut infliger à la trajectoire d’une boule de
billard pour atteindre le trou. Et ils passeraient évidemment leur temps à
rater leur cible. Les
champions du billard ou du tir à l’arc ne procèdent pas ainsi ! Pensez-vous
que les champions de ce type de jeu où une infinie précision de tir est parfois
nécessaire, fassent réellement des efforts pour atteindre le sommet de leur
art, une fois qu’ils sont bien entraînés ? Cette
idée que nous devrions apprendre à bien calculer nos actions, en fonction
d’expériences et de connaissances adéquates, afin d’atteindre notre objectif,
est en fait une illusion qui provient de notre éducation : même après un
excellent entraînement, la pensée raisonnante que notre éducation nous impose
nous dépossède la plupart du temps du grand art de savoir atteindre
parfaitement une cible à tous les coups. En
réalité, un excellent entraînement ne fait qu’ouvrir un champ des
possibles de plus en plus restreint autour de la cible, mais il ne donne
pas l’accès direct à l’essentiel : son centre. Dans
son livre « Le zen dans l’art chevaleresque du tir à l’arc » [8], le
professeur Herrigel nous décrit bien l’importance de cultiver une attitude
apparemment contraire à la raison, celle du « laisser agir », pour
permettre la réalisation de ce grand art : après avoir pendant des mois
appris à simplement bander son arc sans efforts tout en restant décontracté,
son apprentissage restait insuffisant. Il lui fallut attendre encore des années
avant de savoir comment décocher sa flèche. Analysant finalement son succès, il
déclara avoir acquis un stade de lâcher prise lui donnant la sensation de
« laisser agir » ce quelque chose qui « tire à sa
place », selon son expression. Il assimilait ce stade à l’atteinte d’un
état d’éveil correspondant à la nature du Bouddha, d’où le titre de son livre. Le rôle
de l’excellent tireur se limiterait ainsi à préparer le geste en positionnant
le corps, après l’avoir débarrassé du mental, de façon à « laisser
tirer » comme si une autre entité, partant de la cible parfaitement
atteinte pour remonter à l’ « acte juste » au point de départ du
tir, prenait le relais. Pour
revenir à notre observation fluviale selon laquelle une information peut
spontanément naître dans le futur pour redescendre le temps et jaillir dans le
présent, l’ « acte juste » consisterait alors à visualiser le
tir au centre de la cible afin de provoquer cette apparition spontanée, cette
activation en amont d’une « source de courant » issue du futur. Nous
avançons ainsi l’hypothèse que la « visualisation » d’un objectif
pourrait mettre la pression en amont pour agir directement sur le futur avant
que notre présent en découle. L’acte
de tirer serait alors déclenché par l’arrivée du courant en provenance d’un
futur où l’événement serait déjà réalisé. Et c’est tout simplement l’intention
première du tireur suivie d’un lâcher prise, qui permettrait d’activer la
source en amont. Tout se
passe ainsi comme si la cible était atteinte avant même que le tir ne soit
effectué, puisque son parcours est tracé depuis le centre de la cible et dans
le sens inverse de la flèche. En effet, selon la Loi de Convergence des Parties,
nous pouvons prévoir, en remontant le temps, que la flèche devra invariablement
se nicher sur l’arc du tireur - puisqu’il n’y a... |