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Le Théâtre quantique d'Alain Connes
Alain Connes: le passé bouge encore

Alain Connes est mathématicien, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d’Analyse et Géométrie, membre de l’Académie des sciences et de plusieurs académies étrangères dont la National Academy of Sciences des États-Unis. Il a obtenu la médaille Fields en 1982, l'équivalent du prix Nobel pour les mathématiciens.

Il est l'auteur principal d'un livre paru en 2013 intitulé << Le Théâtre quantique >> et sous-titré: << L'horloge des anges ici bas >>, anagramme parfait de "Le boson scalaire de Higgs". Ecoutez Alain Connes parler de son livre en déclarant qu'avec ses co-auteurs, ils étaient comme trois coureurs cyclistes en train de gravir un col.

De quel col peut-il bien s'agir ? Ma réponse en fin de page vous apparaitra évidente après lecture des extraits ci-dessous.

Ce livre est un roman qui met en scène une brillante physicienne prénommée Charlotte, dont les idées ébranlent son équipe du CERN à qui elle les dévoile. Elles remettent tout d'abord en question notre conception du temps, lequel serait une illusion d'origine purement thermodynamique (liée à l'information si vous préférez). Jusque là, tout va bien, car l'idée que le temps n'existe pas est déjà largement partagée dans sa communauté scientifique (dont fait partie Carlo Rovelli, présent dans le livre). Le souci est que d'après l'héroïne d'Alain Connes, la mécanique quantique aurait pour conséquence un passé aussi incertain que le futur. Pire encore, un passé instable qui pourrait encore changer, ce qui ne manque pas d'inquiéter ses collègues qui ont peur qu'elles les divulgue: il faut éviter par tous les moyens qu'elles n'arrivent aux oreilles des journalistes !

En voici quelques extraits qui mentionnent cette problématique:

Page 51, l'héroïne Charlotte tente d'expliquer à son ami intime les fondements de l'idée qu'elle a eu en rentrant d'un voyage:

- ... peu de temps après l'épisode dont tu parles [une discussion entre Bohr et Einstein], Einstein a écrit un article avec deux autres physiciens dans lequel il montre, disons, que << le quantique nous prédit non seulement un futur incertain, mais aussi un passé incertain >> !

- j'admet volontiers que les principes de la mécanique quantique limitent la possibiité de prédire, par exemple, la trajectoire future d'une particule, mais que le passé ne puisse être décrit avec précision me laisse perplexe.

- C'est pourtant bien ce qu'ils montrent, toujours à l'aide d'une "expérience de pensée". Ils en concluent que la mécanique quantique implique une incertitude sur les évènements passés entièrement analogue à l'incertitude sur le futur !

- Diable ! Un passé qui bouge encore ! ...

- Bien sur, je sais que ce n'est pas facile à intégrer...

- Je propose un verre de Margaux pour faciliter l'intégration.

...

Page 96, Charlotte expose ses idées à son équipe du CERN.

Elle leur parle du classeur vert de son père, de certaines suggestions visionnaires qu'il contenait. Elle synthétise le Big Broson, l'horloge à bosons, l'aléa quantique, le passé incertain, l'altération possible de ce passé. Les chercheurs sortent du bureau ébahis, la tête leur tourne. Il est plus 13heures.

- Quelle séance ! On peut dire qu'elle a l'esprit de synthèse la patronne ! s'exclame Picci.

Cervantes a surtout retenu la notion de passé incertain, et d'altération possible de ce passé. Son visage est grâve, soucieux. Le programme scientifique de Charlotte l'inquièterait-il ?

...

Page 114, le commissaire chargé d'une enquète criminelle songe à rechercher des archives sur un certain épisode de l'histoire:

A propos d'archives, il repense à 1984 paru en 1949, roman de science-fiction pour l'occident, roman réaliste pour les pays de l'est de l'époque. On y trafiquait allègrement le passé, on récrivait l'histoire en fonction des petits arrangements nécessaires aux dirigeants. Il y avait des fonctionnaires chargée de cette tâche toujours recommencée. Pour le lecteur, ces procédés donnaient la nausée, on avait l'impression d'être absorbé par des sables mouvants sur le point d'engloutir tous les repères. A quoi se raccrocher si le passé bougeait encore, se dérobant, à peine croyait-on pouvoir prendre appui sur lui ?

...

Page 118, le commissaire questionne une troisième suspecte du crime, qui pour des raisons religieuses considère que Charlotte a dépassé les bornes:

- les bornes ?

- Oui, l'histoire du monde est un éternel recommencement, un immense cycle controlé par les dieux et...

- En quoi consistent ces bornes auxquelles vous venez de faire allusion ?

- Eh bien, le chercheur scientifique peut tout s'autoriser tant qu'il n'intervient pas dans le déroulement du cycle.

- ... Vous voulez dire que, récemment, on a dépassé les limites ?

- Je le pense.

- Quand a eu lieu cette... rupture ?

- Lorsque Mme D (Charlotte)., ces derniers temps, nous a fait part de ses projets - l'orgueil scientifique commencait à l'aveugler.

- Vous n'étiez pas d'accord avec ses projets ?

- Pas du tout ! Elle comptait, si j'ai bien compris, intervenir dans le déroulement du cycle controlé par les dieux, perturber le temps : oui, perturber le temps ! Cela va à l'encontre des décrets divins.

...

Page 135, un membre de l'équipe de Charlotte se confie au commissaire:

- Le mois dernier, Charlotte a réuni son équipe. Elle nous a fait un exposé mi-philosophique mi-scientifique, qui m'a pas mal perturbé. La physicienne hors pair qu'elle était nous a éblouis, comme d'habitude, par des suggestions originales et prometteuses. Mais les idées principales, les idées d'ensemble, étaient... je ne sais pas comment les qualifier. En tout cas, si elles étaient diffusées telles quelles, elles susciteraient dans la communauté scientifique un scepticisme quasi général; un scepticisme, ou peut-être pire: un immense éclat de rire. Et cela, nous devons l'éviter par tous les moyens.

- Voulez vous dire que ces idées étaient utopiques, à la limite de la science ?

- Je pense que ses idées avaient un véritable fondement scientifique, mais comme toute découverte révolutionnaire, elles se prétaient facilement à une caricature dont les journalistes se seraient emparés sans aucun scrupule...

- Quelles étaient ces idées tellement hétérodoxes de Charlotte et en gros, quelles étaient leurs implications ?

- Tout simplement une remise en question de la stabilité du passé, rien que cela !

- Si c'est le cas, je comprend votre inquiétude, mais j'aimerais en savoir plus. Après tout, notre civilisation, notre logique, l'histoire, l'archéologie reposent toutes sur notre croyance d'un passé fixe une fois pour toutes.

- Je n'ai pas entièrement compris les explications de Charlotee, sauf que le quantique remet tout en question.

- Donc je n'ai aucune chance de comprendre, mais je vois mal comment on pourrait s'accomoder d'un passé qui conduirait à des contradictions avec le présent. Cela est interdit par la causalité.

- Oui, l'esprit humain est ainsi fait qu'il cherche constamment à reconstruire un passé plausible. La mécanique quantique nous enseigne, par exemple avec les expériences du choix retardé de John Weeler, que cette vision du monde est une simple approximation de la réalité. Cela marche parfaitement pour les phénomènes microscopiques, mais ne s'applique plus dans le quantique.

- Parce que le quantique c'est le microscopique, si je vous suis bien ?

- Oui, mais justement Charlotte pensait avoir trouvé un moyen d'amplifier des effets microscopiques pour les rendre macroscopiques.

Mes commentaires:

Comment ne pas vous conseiller de lire ce livre écrit par un illustre chercheur qui est allé visiter le col de l'Ange, ce fameux col d'où l'on voit l'espace-temps bouger, aussi bien dans le futur que dans le passé ?

Alain Connes exprime par son livre l'immense difficulté culturelle qu'il peut y avoir à envisager une re-création du passé. C'est pourtant la mécanique quantique qui nous conduit à l'envisager, et selon mon point de vue personnel il s'agit d'une conséquence de l'indéterminisme macroscopique, valable dans les deux sens du temps.