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Six dimensions supplémentaires

Un espace-temps classique discret requiert six dimensions supplémentaires pour restaurer son déterminisme

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Les conclusions de notre papier prochainement publié dans "Annals of physics" (voir http://www.guillemant.net/research/ ) rejoignent deux résultats récents et importants de la physique (A) et des mathématiques (B):

(A) Un espace-temps à 4 dimensions d'informations, c'est à dire discret, pourrait être équivalent à un espace-temps "réel" mais avec 6 dimensions de plus, faisant apparaître la gravité :)

(B) Le fait de partir d'équations déterministes n’empêche pas un mouvement brownien (c'est à dire aléatoire) de s'installer au bout d'un certain temps dans un billard :)

Je reviens plus loin sur ces deux résultats tout à fait étonnants. Les conclusions de notre article les rejoignent effectivement dans la mesure où elles se résument en 4 points clés:

(1) Les équations de la physique seraient incomplètes pour décrire une évolution déterministe, du fait que la quantité d'information déterministe calculable à partir des équations est du même ordre que celle qui est contenue dans les conditions initiales, et même souvent très inférieure: les interactions engendrent en effet une perte d'informations, perte qui est à chaque interaction d'autant plus élevée que le rapport [taille / distance parcourue sans interagir] est faible.

(2) Six dimensions supplémentaires seraient nécessaires pour rétablir le déterminisme: 3 pour définir le chemin + 3 pour définir la destination, à partir par exemple de deux points (qui pourraient être les centroïdes de deux objets uniques) permettant de caractériser une histoire unique.

(3) Les équations complémentaires, si elles existent, devraient être atemporelles (indépendantes du temps), du fait que l'information additionnelle apportée par les dimensions supplémentaires doit exclusivement servir à définir une histoire complète et non pas une évolution.

(4) Ce complément d'informations devrait être apporté par la gravité quantique (équation de Wheeler Dewitt), en lien avec l'indéterminisme résultant du principe d'incertitude d'Heisenberg, lequel traduit tout simplement l'existence d'une limite à la densité d'informations physiques. C'est justement cette limite qui justifie l'usage d'un modèle d'espace-temps classique de type discret.

Attention tout de même, pas d'emballement: un article publié ne signifie pas que son contenu est validé, mais seulement qu'il est recevable. L'originalité de notre article est simplement d'avoir pu mettre en évidence par la voie "numérique" des conclusions très complexes à obtenir et surtout à interpréter à partir des équations.

C'est surtout l'interprétation intuitive des résultats mathématiques qui est parfois très difficile à faire, ne serait-ce que par exemple celle de la théorie des cordes, dont tout le monde sera d'accord pour dire que la simplicité ou l'élégance de l'équation de base est sans commune mesure avec la compréhension intuitive que l'on peut en avoir, pour laquelle il faut se tordre le cerveau en imaginant des cordes enroulées. C'est probablement cette difficulté qui est responsable du fait que l'on attribue ses six dimensions supplémentaires à l'espace, alors que nos résultats suggèrent plutôt qu'il conviendrait mieux de les attribuer à l'espace-temps, l'espace tout seul conservant trois dimensions.

En ce qui concerne maintenant les résultats (A) et (B) que j'ai cités, en voici quelques sources "vulgarisées":

(A)

Extrait de "La réalité cachée: Les univers parallèles et les lois du cosmos" de Brian Greene (2012):

<< Aussi différentes que peuvent sembler ces deux versions, elles décrivent pourtant une seule et même situation physique et doivent donc concorder. Celà mène à une conclusion parfaitement étrange. Une théorie de champ quantique de particules ponctuelles, dénuée de gravitation, définie en quatre dimensions spatio-temporelles (le premier point de vue) décrirait donc la même physique qu'une théorie de cordes incluant la gravitation (le second point de vue). Voilà une affirmation qui semble bien tirée par les cheveux... Très honnètement, j'ai eu beau essayer, je n'ai pas réussi à trouver deux choses du monde réel aussi dissemblables que ces deux théories. Mais Maldacena a poursuivi ses calculs de la manière que nous avons esquissée, et il est arrivé en plein devant cette conclusion. >>

Thibault Damour s'est lui-même étonné de cette conclusion qu'il a qualifié de fascinante dans le Ciel et Espace n°548 de juillet/août 2016. Il y décrit cette passerelle de Maldacena comme:

<< la démonstration qu'une théorie physique dans un espace-temps à quatre dimensions mais sans gravitation - issue de la physique des particules - est mathématiquement équivalente à une théorie de la gravitation dans un autre espace-temps, à dix dimensions. Cette correspondance est fascinante ! >>

(B)

Trois mathématiciens - Thierry Bodineau, de l'École polytechnique, Laure Saint-Raymond, de l'École normale supérieure et Isabelle Gallagher, de l'université Paris-Diderot - ont été récemment distingués par le prix "La recherche" 2016 pour être parvenus à décrire le mouvement aléatoire de particules de gaz (ou de boules dans un billard) en partant pourtant d'équations déterministes.

Un article de la revue de mars 2017 que l'on trouver ici leur est consacré, d'où j'extrait cette citation:

« Un aspect remarquable dans ce résultat, c'est qu'en partant d'équations déterministes - les équations de sphères dures qui s'entrechoquent -, ils sont parvenus à montrer que, après un temps long, on aboutit à un processus aléatoire qui n'a pas de mémoire (le brownien) »

Le "temps long" en question correspond à ce que nous avons appelé dans notre publication le "critical step" (stade critique) à partir duquel les boules de billard ont perdu l'information quant à leurs conditions initiales, du fait de la propagation de l'incertitude due aux interactions.

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D'après notre approche, il y aurait donc un rapport (mis en évidence par notre papier) entre ces deux résultats A et B qui ne semblent pourtant a priori avoir aucun lien entre eux. Le point essentiel de ce rapport reposerait alors sur le fait que les équations déterministes d'un espace-temps 4D perdent leur déterminisme à mesure que les interactions entre objets* de l'espace-temps deviennent nombreuses: il serait alors nécessaire de rajouter des dimensions pour compenser cette perte d'informations.

Serait-ce un hasard si l'on retombe alors sur le nombre de dimensions additionnelles préféré de la théorie des cordes ? Si l'on reprend la remarque ci-dessus de Brian Greene, qui envisage très difficilement le rapport entre deux points de vue que sont:

  • d'un coté une théorie des cordes à dix dimensions incluant la gravitation,
  • de l'autre coté une théorie quantique qui superpose toutes les histoires possibles (multivers) d'un espace-temps à quatre dimensions sans gravité,

alors il se pourrait bien notre papier fournisse un troisième point de vue intermédiaire entre les deux:

  • celui d'un espace-temps à quatre dimensions dans lequel ne règne qu'une seule histoire, mais dans un contexte indéterministe.

Si l'on cherche maintenant à concilier les trois points de vue, cela impliquerait que la gravité émerge du processus qui choisit l'histoire vécue parmi toutes les possibilités du multivers. S'agissant de choix qui sont non conditionnés par la mécanique, laquelle apparaît comme (temporellement) incomplète, il est naturel de les relier au libre arbitre si toutefois il existe. Dans une telle éventualité, il s'ensuivrait que l'émergence de la gravité pourrait être liée au processus de co-création d'une histoire unique, commune à un collectif de consciences.

*A noter que lorsque les objets en question sont très petits, nous avons montré que le nombre d'interactions nécessaires pour supprimer le déterminisme peut se réduire à une ou deux, ce qui nous avons considéré dans un présent papier publié sur Arxiv comme une transition d'état classique vers quantique.