En français:

Un espace-temps unique mais flexible pourrait remettre en question les théories du multivers

Cet article est un prolongement d'un précédent papier également publié dans "Annals of physics" un an et demi plus tôt. Il présente des résultats de calculs qui permettent de véritablement chiffrer les conditions d'une véritable flexibilité, qui ne peut en effet apparaître que lorsqu'un délai suffisant, exprimé en nombre de chocs ou d'interactions, sépare les conditions finales (futur) que l'on veut atteindre de conditions initiales bien déterminées (présent), tout en permettant que soient suivis des chemins différents par les trajectoires qui relient le présent au futur.

C'est le troisième article validé par comité de lecture sur la théorie de l'espace-temps flexible, qui je le rappelle est équivalente à la "théorie de la double causalité" (du physicien feu Olivier Costa de Beauregard). Il est en effet évident que si le futur rendu flexible peut donc changer, il doit pouvoir influer sur le présent dans la mesure où des chemins différents sont nécessairement pris pour l'atteindre. Cette théorie a ainsi été publiée en 3 étapes:

• Introduction de 6 dimensions supplémentaires qui permettent de renouer avec une physique déterministe mais paramétrable, comme en théorie des cordes (Annals of physics janvier 2018)
• Introduction d'un modèle réduit à réseau de neurones pour décrire l'évolution de l'espace-temps dans les 6 dimensions, en faisant varier leurs valeurs (JIMIS avril 2019)
• Calcul des temps spécifiques qui permettent la flexibilité, et notamment l'indépendance entre conditions initiales et finales (Annals of physics octobre 2019)

Mais pourquoi cette remise en question des théories du multivers ?

Parce que la flexibilité fournit une interprétation alternative séduisante, satisfaisant notamment le principe du rasoir d'Occam, à l'interprétation aujourd'hui dominante de la mécanique quantique faisant appel à la théorie des mondes multiples d'Everett, que l'on sait aujourd'hui généraliser à l'échelle macroscopique (cosmologie quantique). Ce dernier a proposé que lors d'une mesure quantique, tous les choix de résultats possibles soient réalisés par la nature, qui multiplie ainsi tous les univers possibles ou branches, mais nous ne vivons que dans un seul univers où les choix sont bien déterminés. Il existerait ainsi des myriades de myriades d'univers simultanés, qui contiendraient autant de doubles de notre conscience.

L'interprétation alternative consiste à proposer qu'il n'existe qu'un seul univers réalisé (conscientisé), mais que tous les autres univers possibles puissent également devenir réalisables en partant de l'univers réalisé, par commutations successives transformant de proche en proche l'histoire d'un univers en une autre. L'intérêt de cette alternative est triple:

• Ne pas multiplier à l'infini les doubles conscients de nous-mêmes, en ignorant la conscience,
• Permettre un libre arbitre potentiel, par des commutations selon six dimensions de conscience,
• Offrir un nouveau paradigme pour les théories de l'évolution: celui de l'évolution hors du temps.

Contrairement à l'apparence, cette publication a donc potentiellement un impact hautement philosophique.

Elle a aussi le grand intérêt de réduire la différence ontologique entre mécanique classique et mécanique quantique à une simple question de délai: notre réalité macroscopique est bel et bien quantique mais seulement ça et là dans le futur, c'est à dire à partir d'un certain délai variable selon le système considéré. Ce délai étant d'autant plus faible que le système est petit, c'est ce qui explique qu'à l'échelle microscopique on passe progressivement d'une ontologie classique à une ontologie quantique.

Une petite remarque tout de même:

Cette proposition d'alternative au multivers ne signifie pas qu'il n'existerait qu'un seul univers réalisé. Il pourrait en exister beaucoup d'autres, mais chaque univers pourrait évoluer hors du temps pour s'améliorer de proche en proche et ainsi diminuer son désordre. Il est tout à fait concevable que de multiples tentatives (de la conscience) existent pour réaliser les meilleures des améliorations possibles, y compris quelques doubles de nous-mêmes. La théorie de la flexibilité de l'espace-temps n'est donc pas incompatible avec l'existence potentielle d'univers parallèles dans lesquels nous existerions avec un vécu différent.