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Les biais cognitifs de la pensée matérialiste

Par Sylvain Fève[1] et Philippe Guillemant[2]

Figure 1 : Effet du biais matérialiste caractérisé par le fait que ce type de pensée se refuse à toute possibilité de perception transcendante, ne désirant voir dans le réel que ce qui est analysable par le mental.

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Un biais cognitif est une distorsion dans le processus de la pensée, ou à un niveau plus physique dans le traitement de l’information par le cerveau, qui entraine un manque de discernement se traduisant par une déviation systématique de la perception du vrai ou du réel en direction du faux ou de l’irréel.

L’étude de ces biais fait l’objet de nombreux travaux scientifiques en psychologie ou en sciences cognitives et leur existence a été particulièrement popularisée, à juste titre, par les mouvements sceptiques ou zététiques afin de dénoncer la tendance du public à croire un peu trop naïvement dans les allégations du paranormal ou autres phénomènes inexpliqués. Il s’en est toutefois suivie une récupération tendancieuse dans la mesure où ces biais sont dans les faits instrumentalisés pour servir l’idéologie matérialiste à laquelle ces mouvements font généralement allégeance.

 En réalité, l’existence de biais cognitifs n’a aucune incidence qui soit démontrée en terme de classification de certaines croyances ou idéologies comme susceptibles d’être plus cognitivement biaisées que d’autres et par conséquent cette instrumentalisation, qui consiste par exemple pour les zététiciens à faire passer ce qu’ils appellent les « croyants » pour des personnes dont le cerveau est plus biaisé que le leur (ou que la moyenne de la population) doit être signalée.

Mais plutôt que de dénoncer cette instrumentalisation de résultats scientifiques, nous avons préféré ici tout simplement rétablir un équilibre en signalant l’existence de biais cognitifs de la pensée matérialiste elle-même, qui caractérise plus particulièrement ce type de mouvements.

Les matérialistes et plus généralement toutes les personnes qui se positionnent comme soi-disant rationalistes et se croient à l’abri de toute croyance, usent en effet de stratagèmes plus ou moins inconscients pour rejeter toute transcendance[3] ou quoi que ce soit d’immatériel, afin de rester dans la norme de la pensée dominante. Nous avons établi une liste non exhaustive de ces biais cognitifs :

1.      Les raisonnements circulaires

2.      Les pétitions de principe

3.      Les jugements autoritaires

4.      Les croyances inconscientes

5.      Les projections inconscientes

6.      La confusion entre foi et croyance

7.      Le point aveugle de la science

8.      Le rejet de l’inexplicable

9.      Le refus du discernement

10.  La protection de l’ego

Nous allons développer ici chacun de ces biais cognitifs ou stratagèmes qui obstruent la voie de la raison. On peut les qualifier de stratagèmes lorsqu’ils sont conscients, ce qui est au moins le cas de 2, 3 et 8. Quoi qu’il en soit, conscients ou pas ils sont systématiquement utilisés dès qu’il s’agit de nier les hypothèses :

·         du libre arbitre ;

·         de la conscience hors cerveau ;

·         de processus téléologiques (comme le dessein intelligent) ;

·         de la contagion du quantique au niveau macroscopique ;

·         de l’existence de l’âme (en tant qu’extension immatérielle du cerveau) ;

·         etc.  (d’une manière générale tout ce qui peut faire penser de près ou de loin à de la spiritualité, de l’occultisme ou de l’ésotérisme).

Les personnes concernées érigent régulièrement en principe de leur démarche le doute scientifique, or celui-ci n’est généralement et pour le moins, que du scepticisme orienté contre les hypothèses précédentes : ils veulent qu'on leur apporte des preuves alors qu’ils ne disposent eux-mêmes d’aucune preuve de leurs hypothèses matérialistes contraires. Ils rejettent les autres sur la base de croyances réductionnistes bien ancrées qui les conduisent à refuser d’intégrer, d’interpréter et même de comprendre les progrès de la science en faveur des hypothèses non matérialistes, adoptant ainsi le même genre d’attitude que les religieux à l’époque où la science commençait à révéler des faits contraires à leurs croyances.

Comble du paradoxe, en rejetant toute idée de transcendance pour ne pas faire apparaître le spectre d’un Dieu créateur, ils en viennent inconsciemment à créer leur propre Dieu en la personne du Hasard[4], seul autorisé à pouvoir déterminer le cours des événements en dehors de lois physiques déterministes.

On observe alors un retournement de situation entre un premier type de personnes qui se réclament de la « rationalité » ou du « scepticisme » et qui ont en réalité un comportement dogmatique ou de suivi de la norme, et un second type de personnes qui parce qu’elles ont pris leurs distances avec la religion et/ou ne la diabolisent pas (ne confondent pas spiritualité et religion), acceptent de s’ouvrir au nouveau paradigme au nom d’une science qui a évolué. Ce retournement s’explique par le fait que la peur du religieux suscitée chez les premiers par la validation de l’existence de l’immatériel agit comme un épouvantail qui aveugle leur raison, alors qu’il n’est pas question de religion dans ce nouveau paradigme bien que l’usage de certains termes puisse prêter à confusion (âme, conscience, esprit, …)

 Les différents types de biais que l’on peut répertorier chez eux sont :

1.      Les raisonnements circulaires : ce que l’on cherche à réfuter par la démonstration est déjà rendu impossible par les hypothèses ou postulats de départ.

Ex 1 : Négation de l’existence de l’âme ou de toute autre réalité transcendante (à laquelle nous serions reliés et qui déterminerait en partie le cours des événements). Le postulat sous-jacent est celui du déterminisme[5] temporel.

Ex 2 : Négation du libre arbitre, toujours dans le cadre du déterminisme temporel : nous serions donc des machines[6].

En plus de constituer des raisonnements circulaires, ces négations sont fondées sur un sophisme doublé d’un aveuglement de la raison : sous prétexte que l’on observe des lois déterministes dans la nature, on postule que toute la nature devrait obéir à ces mêmes lois (sophisme), alors même que l’on observe aussi le contraire (aveuglement), très objectivement dans le cas du hasard quantique et de façon plus ou moins contestable dans le cas des phénomènes inexpliqués.

Notons que le plus souvent, le raisonnement circulaire met en jeu le déterminisme temporel pourtant démontré comme faux par la physique[7] (ce qui n’implique pas qu’un déterminisme atemporel ne puisse pas exister).

2.      Les pétitions de principe : on considère comme établi quelque chose qui n’est qu’un modèle réfutable voire déjà réfuté, mais devenu une croyance.

Pour protéger le statu quo sur ces croyances ordinaires (car malgré tout enseignées à l’école), on invoque des principes arbitraires qui permettent de rejeter tout ce qui s’y oppose, le plus courant étant : « Des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires ». Pourtant, à bien y regarder on s’aperçoit que les croyances matérialistes sont souvent extraordinaires :

Ex 1 : l’hypothèse de l’évolution des espèces par mutations aléatoires[8]

Ex 2 : l’hypothèse d’un big-bang créant l’univers à partir du néant[9]

Seule l’habitude ou l’éducation permettent de trouver ordinaires des affirmations aussi extraordinaires. Pourquoi faudrait-il que le libre arbitre, la conscience hors cerveau, l’influence du futur ou l’existence de l’âme soient encore plus extraordinaires ?

3.      Les jugements autoritaires : on décrète de manière inflexible une hypothèse comme irrecevable, et en l’absence d’argument on n’hésite pas à la combattre violemment.

C’est ainsi que les visions novatrices du monde passent souvent par trois étapes[10] : (1) d’abord ridiculisées (2) puis violemment combattues (3) et enfin considérées comme évidentes.

Ex 1 : Toute idée de téléologie (destin, influence du futur, ...) est réduite à la croyance non scientifique en un Dieu ou autre dessein intelligent[11]

Ex 2 : Le microcosme ne peut influencer le macrocosme car ce dernier est gouverné par des lois déterministes[12] (idée pourtant contredite par la physique [13])

4.      Les croyances inconscientes : on se refuse inconsciemment à penser dans un autre paradigme.

Il s’agit essentiellement aujourd’hui du refus d’envisager que la conscience ait une influence acausale ou rétrocausale sur la réalité.

Ex 1 : La conscience ne peut pas intervenir dans le cours des événements car elle est un phénomène émergent (de la matière) : l’hypothèse de l’émergence a effectivement été étudiée mais n’a jamais été confirmée par la science (elle est même fortement contestée par la neuro-phénoménologie[14] - cf. §7).

 Ex 2 : Le hasard explique tout ce que l’on ne comprend pas[15] : en totale contradiction avec le fait scientifique que le hasard aléatoire est nécessairement producteur d’entropie et ne peut donc pas créer d’évènements ou systèmes ordonnés.

5.      Les projections inconscientes : on projette sur ses « adversaires » ayant des idées contraires ou simplement jugées naïves, les erreurs ou naïvetés dont on est soi-même inconsciemment victime (problème bien connu en psychologie).

Ex 1 : Le cas des zététiciens qui dénoncent l’impact des pseudo-sciences (parapsychologie, astrologie, …) sur le grand-public sans se rendre compte qu’ils créent ou alimentent eux-mêmes par cette opposition une pseudo-science matérialiste.

Ex 2 : Le cas des mêmes zététiciens qui dénoncent les biais cognitifs (paréidolie, causes cachées, …) en partant d’un bon sentiment (ramener autrui à la raison) sans se rendre compte qu’ils sont eux-mêmes victimes d’autres biais (1 à 10).

 

Le fait que l’inconscient se mêle d’un débat d’idées est aussi à l’origine des violences qui font émerger le biais numéro 3 (jugements autoritaires). Lorsque les arguments permettant de conserver la pensée normée sont absents ou fragiles, la peur de se perdre surgit et le réflexe autoritaire vient y mettre un terme : celui qui ne pense pas dans la norme est alors ostracisé, ridiculisé, insulté ou diabolisé (selon le type de souffrance personnelle extériorisée par l’auteur du rejet).

6.      La confusion entre foi et croyances : Bien que la foi ne relève pas du mental mais d’une conviction profonde ou fondée sur l’intuition (par définition non rationalisable), les scientistes reprochent à ceux qui ont la foi d’avoir des croyances.

Ce biais est en lien avec les projections inconscientes (§5) dans la mesure où ceux qui projettent des biais et croyances chez autrui oublient de voir qu’ils sont eux-mêmes victimes de biais et croyances, alors même que leurs croyances matérialistes n’ont jamais été démontrées et sont de surcroit réfutées ou contredites par la science.

Cette confusion semble insoluble car la croyance ferme en ce que la foi et l’intuition sont nécessairement des illusions ou des informations produites par le cerveau empêche toute compréhension du fait que les personnes accusées de « croire » n’ont pas à être « ramenées à la raison scientifique » puisqu’elles se positionnent d’emblée au-delà des frontières d’une science considérée par elles comme inaboutie, ce qui est non seulement un choix respectable mais aussi une attitude rationnelle dans la mesure où la science elle-même ne cache plus sa propre incomplétude (son indéterminisme).

7.      Le point aveugle de la science : l’expérience de l’observateur est tellement omniprésente qu’elle est absente de la scène scientifique (on ne voit pas la vitre à travers laquelle on regarde)[16]. Ce biais est le plus important car il affecte les cerveaux les plus brillants, aussi il mérite un approfondissement.

Dans les sciences objectives, on suppose qu’on a surmonté le subjectif-relatif pour accéder à quelque chose de plus réel que lui (que l’on nomme d’ailleurs la « réalité objective »). Mais c’est faux, car le subjectif-relatif n’opère pas comme quelque chose que l’on peut dépasser pour accéder à quelque chose de plus réel.

On ne peut se rendre compte de ce biais dont le réalisme scientifique est fondamentalement entaché qu’en revenant à l’origine du processus d’élaboration de la connaissance. En effet, l’objectivité scientifique est construite en soustrayant le point de vue, la situation, le ressenti, jusqu’à finir par les ignorer pour ne garder que l’invariant partagé par tout le monde. On ignore ainsi le processus par lequel on établit l’objectivité, pour ne garder que la structure résiduelle du processus. La science oublie alors que tout est toujours vu de quelque part, d’un point de vue situé, qui n’est autre que l’expérience vécue de l’expérimentateur (la conscience de l’observateur est invariablement à l’origine de toute expérience vécue, rien n’est indépendant de notre expérience présente).

Ainsi pour exister, la science a besoin de soustraire son propre point de départ qui est l’acte d’accéder à la connaissance. Le connaissant se soustrait alors lui-même (il s’oublie) du produit de sa connaissance, ce qui constitue le point aveugle des sciences. La connaissance objective laisse donc derrière elle le connaissant, par méthode, par choix, par souci d’efficacité. Ceci se paye par l’apparition de paradoxes qui nous renvoient réflexivement vers cet acte de soustraction du connaissant :

Ex 1 : L’origine physique de la conscience : comment donner une explication objective du subjectif ? C’est vouloir retrouver l’expérience subjective après l’avoir volontairement bannie du processus d’objectivation ! L’objectivité sur laquelle est fondée la méthode scientifique est par nature incompétente pour résoudre le problème de l’origine de la conscience.

Ex 2 : Le second principe de la thermodynamique : comment expliquer l’irréversibilité des phénomènes à partir des lois symétriques de la physique ? C’est vouloir retrouver l’irréversibilité éprouvée (i.e. la flèche du temps) après l’avoir volontairement bannie par une lecture coordonnée des horloges ! Le temps de la mécanique n’est pas le temps de la thermodynamique (la lecture coordonnée d’horloges est réversible)

Ex 3 : Le problème de la mesure en mécanique quantique : comment expliquer que le chat de Schrödinger soit vu mort ou vif alors que son état quantique le représente mort et vif ? C’est vouloir retrouver l’actualité éprouvée après l’avoir volontairement bannie en faveur d’une mathématisation des possibilités !

À partir d’une vie concrète (faite de subjectivité, d’irréversibilité, d’actualité), la méthode scientifique construit un monde abstrait (fait d’objectivité, de réversibilité, de possibilités) depuis lequel on veut remonter au concret du vécu. Pas étonnant que cela pose problème, et tout particulièrement à ceux qui voudraient faire de la méthode scientifique une caution apportée à des croyances réductionnistes.

L’ignorance du point aveugle est à l’origine de la négation de toute transcendance, qui impliquerait que des limites à l’entendement soient imposées au mental, qu’une quête de vérité ne devrait donc pas uniquement se limiter aux strictes exigences de la méthode scientifique et pourrait donc faire appel à des facultés non (encore) rationalisables, comme par exemple des intuitions ou des facultés psi.

Ce point aveugle nous amène donc naturellement aux deux biais suivants :

8.    Le rejet de l’inexplicable : Le refus d’envisager que la science puisse être inaboutie, et par conséquent laisser sans explications certains phénomènes, conduit à un phénomène de rejet consistant généralement à affirmer que tel phénomène ne peut exister ou ne peut être qu’une illusion car il est contraire aux lois de la physique.

Il est pourtant notoire que la physique n’est pas aboutie et que les phénomènes inexpliqués sont légions.

Ex 1 : Matière noire et énergie noire (95% de l’univers) sont inexpliquées.

Ex 2 : L’incompatibilité entre relativité et physique quantique.

Ex 3 : La liste sans fin des phénomènes inexpliqués et pourtant avérés.

9.    Le refus de discernement : Il s’agit là du comble du réductionnisme qui à force de réduire la complexité en vient à réduire sa propre intelligence, par refus de considérer certains phénomènes apparaissant comme trop subtils ou échappant tout simplement à la méthode scientifique.

À force de vouloir simplifier la réalité au travers du filtre réductionniste pour éliminer toute subjectivité, on aboutit ainsi paradoxalement à une subjectivité maximale, occasionnée par l’absence de discernement imposée par le filtre lui-même.

Ex 1 : les synchronicités sont toutes des illusions : refus de discerner (car trop subtil) qu’une petite partie des synchronicités pourraient ne pas être illusoires (mais réellement de nature acausale en relation avec l’état de conscience de l’observateur).

Ex 2 : les phénomènes parapsychologiques sont des illusions : refus de discerner (car trop compliqué) le vrai du faux en s’informant par exemple des publications scientifiques sur ce sujet ou directement en les lisant (trop de travail ?) pour tenter d’en localiser les faiblesses.

On peut s’étonner d’une démarche qui part d’une volonté d’aboutir à une connaissance scientifique objective, mais qui finalement ne s’en donne pas l’intelligence en refusant d’envisager que la réalité puisse être plus subtile que le cadre réductionniste simpliste qu’elle s’acharne à imposer[17]. On peut même légitimement se demander à quel genre d’intellect a-t-on affaire ici ? On est sans doute bien loin de la pensée complexe[18] introduite par Edgar Morin et qui exprime une forme de pensée acceptant les imbrications de chaque domaine de la pensée (sciences & technologies, santé, environnement, communication, géopolitique, économie, solidarité, culture, paix, …) en mettant en jeu les différents processus de cognition (mental, émotionnel) dans la transdisciplinarité (sciences physiques, biologie, sciences humaines).

Ce qui nous amène naturellement vers le dixième biais, de loin le plus courant :

10.     La protection de l’ego : Le biais le plus courant est dû à la volonté vitale de ne surtout pas apparaître comme manquant d’intelligence.

La peur de paraître inintelligent est probablement une des plus grandes peurs de nos sociétés occidentales. La reconnaissance sociale de l’intelligence est en effet le point clé de la réussite et son absence conduit à la dévalorisation ou au rejet. Pour l’ego, il devient alors plus important de paraître intelligent que de l’être réellement. Se donner l’image d’un scientifique, d’un rationaliste ou d’un cartésien fait parti des critères les plus reconnus et accessibles, en France en particulier.

Cette situation a changé, car les avancées de la science à l’encontre du matérialisme et du réductionnisme ont bouleversé la donne et revalorisé l’ouverture d’esprit[19] (en particulier à la possible réalité de phénomènes extraordinaires qui pourraient un jour trouver une explication scientifique) sans qu’elle soit dupe ni des « fake-news » ni des pseudo-sciences, qu’elles soient matérialistes ou spiritualistes. La véritable intelligence surpasse en effet toute classification (y compris celle du présent texte). Il redevient de plus en plus admis que la voie de la raison possède deux types de chemins qu’il est raisonnable de connecter par des allers-retours : celui de la rigueur, d’ordre analytique et celui de l’intuition, d’ordre synthétique.

Conclusion

Les biais matérialistes que nous venons de recenser ici ont pour conséquence une diminution volontaire ou involontaire de la faculté de discernement des personnes affectées, ce que nous avons traduit sur la figure 1 sous la forme d’une flèche violette orientée à l’ouest, alors qu’une pensée non biaisée devrait correspondre à une flèche verticale orientée vers le nord (ouverture d’esprit).

En conclusion, il faut reconnaître que les personnes qui prêchent la rigueur scientifique (qu’elles se disent matérialistes, sceptiques, rationalistes ou cartésiennes) sont utiles à la société car elles imposent légitimement à notre conscience collective l’autorité et la nécessité de cette rigueur. Elles évitent ainsi que ne se répandent trop facilement des croyances ou dérives sectaires. Cette rigueur a toutefois besoin d’une discipline de la pensée fondée sur un ordre établi (de croyances scientifiques). Or dans une époque où la science ne cesse de remettre en question cet ordre et ses fondements, il devient vital de relâcher la contrainte d’autorité et de rigueur pour faire entrer en sciences l’ouverture d’esprit, l’imagination, la créativité et l’intuition. Il en va de la crédibilité de l’autorité scientifique installée, sous peine d’aboutir à l’effet contraire, en l’occurrence une fuite de l’intelligence en dehors de la science, conduisant à un foisonnement de pratiques et de croyances douteuses qui s’auto-justifient par la rigidité mentale de ceux qui prétendent les combattre en conservant l’ancien paradigme : un cercle vicieux.

Pour revenir à un cercle vertueux, il convient de remarquer que ce ne sont pas les vrais scientifiques qui ont des raisons de s’opposer à l’évolution de la pensée vers un nouveau paradigme, car il est dans leur nature de bouleverser la pensée[20]. Mais alors, d’où vient le blocage ? La réponse est dans le texte : c’est essentiellement la masse des numéros 10 qui jouent un rôle d’épouvantail dissuadant les vrais scientifiques d’investir les domaines de recherche potentiels qui pourraient conduire la science vers ce nouveau paradigme dont l’humanité a besoin pour sortir d’un parc de la pensée devenu trop étroit et aliénant.

 



[1] Sylvain Fève est ingénieur en optoélectronique, ingénieur d'études au CNRS, chargé de médiation scientifique.

[2] Philippe Guillemant est ingénieur Centrale Paris, PHD & HDR, IRHC au CNRS, physicien transdisciplinaire.

[3] On entend ici par transcendance tout ce qui influe sur la réalité sans relever de lois physiques connues. Cela n’implique pas nécessairement une spiritualité dans la mesure où la science n’est pas aboutie et où d’autres sources de déterminisme que celles que nous connaissons (la mécanique actuelle) pourraient être découvertes.

[4]  Référence à la célèbre affirmation de Albert Einstein « Dieu ne joue pas aux dés ! ».

[5] "C’est à Laplace qu’on attribue le plus souvent la première formulation claire du déterminisme scientifique : si l’on connaît l’état de l’Univers à un instant donné, alors son futur et son passé sont entièrement déterminés par les lois physiques. Cela exclut toute possibilité de miracle ou d’intervention divine (…) C’est, en fait, le fondement de toute la science moderne et l’un des principes essentiels qui sous-tendent cet ouvrage (…)" - Stephen Hawking, Y a-t-il un grand architecte dans l'Univers ?

[6] "Il est difficile d’imaginer quel peut être notre libre arbitre si notre comportement est déterminé par les lois physiques. Il semble donc que nous ne soyons que des machines biologiques et que notre libre arbitre ne soit qu’une illusion" - Stephen Hawking, Y a-t-il un grand architecte dans l'Univers ?

[7] "Le déterminisme n’est au mieux qu’une approximation statistique, et les constituants de l’univers peuvent rester liés entre eux en ignorant les distances qui les séparent à nos yeux : tels sont les enseignements de la physique quantique, confirmés par les récentes expériences" - Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod, Le cantique des quantiques

[8] "L'évolution des espèces est gouvernée par des mutations génétiques qui sont des phénomènes aléatoires" – Hubert Krivine, Petit traité de hasardologie.

[9] L’idée d’un big-bounce (qu’il reste à interpréter judicieusement) tend aujourd’hui à s’imposer, ne faisant plus du big-bang l’origine de l’univers.

[10] Comme le disait Arthur Schopenhauer à propos des « vérités ».

[11] "Quand on explique à des élèves que les fleurs sont colorées (ou odoriférantes) pour ainsi, attirer des insectes, on donne une cause finale comme explication du phénomène, c'est-à-dire une fin, une intention (...) Certes, aucun enseignant ne croit à une quelconque intention des fleurs, et le tout se passe comme si est un raccourci de langage qui permet de gagner du temps (...) très dommageable du point de vue pédagogique (...) C'est la porte ouverte aux théories du dessein intelligent" – Hubert Krivine, Petit traité de hasardologie.

[12] "Il nous semble que le réglage de l'ordre souhaité dans notre vie entière provient de la mise en ordre de chacun des plus petits de nos actes, d'où l'installation de routines, d'habitudes et même de coutumes. De même, nous pensons que dans la Nature, l'ordre à grande échelle est régit par l'ordre à petite échelle" – Guillaume Lecointre, Petit traité de hasardologie (Postface).

[13] Carlo Rovelli, Et si le temps n'existait pas ?

[14] https://youtu.be/ae_2_-FOZyI - Michel Bitbol, La conception naturaliste de la conscience à l’épreuve du dialogue socratique

[15] "Nous ne nous comportons pas par hasard, alors le hasard dans la nature nous est insupportable" – Guillaume Lecointre, Petit traité de hasardologie (Postface).

[16] https://youtu.be/EbCdiMy3KCk - Michel Bitbol, Le point aveugle de la science et son dépassement

[17] "Tout devient possible, et la vision assez noire, selon laquelle nous ne serions que le résultat éphémère et sans signification de chocs et de combinaisons de « petites billes » errant dans l’espace, n’est plus la vision scientifique" - Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod, Le cantique des quantiques

[18] "Quand je parle de complexité, je me réfère au sens latin élémentaire du mot complexus, « ce qui est tissé ensemble ». Les constituants sont différents, mais il faut voir comme dans une tapisserie la figure d’ensemble. Le vrai problème (de réforme de pensée) c’est que nous avons trop bien appris à séparer. Il vaut mieux apprendre à relier. Relier, c’est-à-dire pas seulement établir bout à bout une connexion, mais établir une connexion qui se fasse en boucle. Du reste, dans le mot relier, il y a le "re", c’est le retour de la boucle sur elle-même. Or la boucle est autoproductive. À l’origine de la vie, il s’est créé une sorte de boucle, une sorte de machinerie naturelle qui revient sur elle-même et qui produit des éléments toujours plus divers qui vont créer un être complexe qui sera vivant. Le monde lui-même s’est autoproduit de façon très mystérieuse. La connaissance doit avoir aujourd’hui des instruments, des concepts fondamentaux qui permettront de relier." - Edgar Morin, La stratégie de reliance pour l’intelligence de la complexité

[19] "Le fait que ces morceaux de matière se soient révélés n’être en réalité que des abstractions mathématiques, non locales, c’est-à-dire pouvant s’étendre sur tout l’espace, et de plus n’obéisssant pas au déterminisme, a porté un coup fatal à ce matérialisme « classique » " - Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod, Le cantique des quantiques

[20] "Il a fallu des décennies pour que l’hypothèse de Galilée sur la rotation de la Terre soit acceptée, et des siècles pour que sa condamnation par l’Eglise soit annulée. Combien de temps faudra-t-il pour ébranler les croyances acctuelles ?" - Sven Ortoli et Jean-Pierre Pharabod, Le cantique des quantiques